Poule 3

Le combat d’Evan !

Crédit Photos : Brigitte B. Photographie

24% de la population active est handicapé en France. 5,8% ont des déficiences moteurs. Il y a même plus de 10% des personnes handicapées qui sont polypathologiques. Selon vous, quel serait le pourcentage de personnes présentant un handicap, quelqu’il soit, foulant les parquets de N2 alors que le Handball n’est fait que de repères visuels et de motricité ? Quelle probabilité d’ailleurs pour avoir un gardien en situation d’handicap (invisible) justement ?

On vous laisse réfléchir à ce problème mathématique. Pendant ce temps, on va se pencher sur un petit (pas si petit avec ses 1m86) gaillard qui, malgré ses handicaps, réussit à se retrouver gardien au sein de la réserve de Massy, dauphine de Lille et ayant tout récemment renoncé à être repêché en Nationale 1. Âgé de 19 ans aujourd’hui et étudiant en Négociation et digitalisation de la relation client, Evan Garrigues possède une histoire à faire saliver les scénaristes français.

Présent à cinq reprises dans l’effectif N2 avec lequel il connut une pointe à 9 arrêts contre Serris Val d’Europe, le portier continue de surprendre et de casser les barrières qui le séparent, théoriquement, des joies du sport. Son histoire, elle vaut la peine d’être racontée et on est donc allé à sa rencontre pour en savoir plus.

N2 Handball FR : Peux-tu nous en dire plus sur ta maladie Evan ?

Evan Garrigues : Je suis un dyspraxique visuo spatial, qui est dû à une hydrocéphalie à la naissance. C’est une poche d’eau qui est dans le crâne. Cette poche d’eau a entrainé des séquelles et m’a rendu dyspraxique visuo spatial, c’est à dire que le premier problème de cet handicap est un problème moteur. C’est à dire que théoriquement, mon temps de réaction est inférieur à la moyenne à la norme et après de même pour tout ce qui est motricité fine (comme faire des lacets ou couper la viande) et la concentration.

« C’est comme si j’avais des gants de boxe dans les mains et un bloc de glace coincé dans les pieds »

N2 Handball FR : Quels impacts a t’elle sur ton quotidien ?

Evan Garrigues : L’impact sur mon quotidien, c’est comme si j’avais des gants de boxe dans les mains et un bloc de glace coincé dans les pieds. C’est très compliqué dans le quotidien. C’était plus facile étant enfant parce que personne avait une grande habilité pour la concentration. Plus je grandis, plus je remarque que j’ai une différence, que ce soit dans le monde du travail et plus particulièrement à l’école.

Je vois que les gens deviennent plus autonomes et sur ces choses-là, j’ai un retard. Ça peut paraitre minime mais la dyspraxie, c’est un vrai handicap parce que perpétuellement il doit être dans un double effort pour être au niveau des autres et on arrive d’ailleurs jamais au niveau des autres. Le problème qu’on a dans la société c’est que c’est l’handicapé qui doit s’adapter à la normalité, ce qui fait que tous les jours, on doit redoubler d’efforts. On est beaucoup plus fatigué et certains craquent comme moi de nombreuses fois. Le Hand est ce qui m’a permis de sortir de tout ça, j’en fais une force.

Crédit Photos : Christophe Portat

N2 Handball FR : Cette force se traduit par ta réussite handballistique ! Comment est venu ton envie de jouer au Handball, il y a à peine 5 années, rappelons-le ?

Evan Garrigues : C’est assez particulier, ce n’est pas moi qui ai eu une envie intentionnellement. C’est le Handball qui est venu me chercher si je puis dire. J’ai toujours été footballeur depuis tout petit. Mes parents et sœurs ont toujours été Handball. J’allais tout le temps voir mon père et à une époque , je m’étais inscrit à l’AS en 6ème pour faire du sport.

J’avais aucune intention à faire du foot. J’étais arrivé à un moment de ma carrière de footballeur où j’avais un manque de sensation de plaisir. Au Handball, je me plaisais bien dans les cages. Le fait de voir mon père sans trop avoir envie (rires), j’ai mémorisé des choses et je me suis dit que ça paraissait logique d’aller dans les cages et donc je me suis inscrit dans le club de mon père à l’US Palaiseau. Au bout de deux semaines, j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un qui s’occupait des meilleurs joueurs de l’Essonne au comité qui faisait son équipe et il m’a demandé de venir mais je connaissais à peine les règles de handball.

Suite à ça, j’ai été pris dans l’équipe 91 avec trois semaines de Handball dans les jambes et derrière encore en stage Ligue. C’était un peu la première étape avant d’aller au Pôle. J’avais très peu d’expérience et je me suis retrouvé dans une sphère qui a monté très vite et j’ai eu la sensation d’être décisif dans un match et c’est ça qui m’a plu.

Crédit Photos : Massy Essonne Handball
Evan en entrainement spécifique avec Samir Bellahcine

N2 Handball FR : Comment se sont adaptés tes entraineurs voire coéquipiers ?

Evan Garrigues : J’ai eu beaucoup d’entraineurs et ceux qui se sont adaptés plus particulièrement, c’était en u18, u17 et mon premier entraineur. Ils m’ont pas forcément mieux compris mais ils m’ont fait confiance. Une fois que j’ai eu la confiance, j’ai pu avoir une relation sur mes problèmes comme dans des exercices de coordinations où ça allait me poser souci d’aller enlever un ballon dans le filet. Ils l’ont compris. Je ne demandais pas beaucoup aux entraineurs mais qu’on comprenne que malgré mon apparence normale, j’avais des problèmes.

En globalité, certains n’ont pas réussi à comprendre, c’est pas forcément leur faute. Tout le monde ne peut pas saisir. Mes coéquipiers n’ont pas vraiment aidé plus que ça ou adapté parce que j’avais la chance d’être gardien vu que sur une combinaison, par exemple, il n’y a pas de problème. Leur but, c’est de me tirer dessus (rires) S’il y avait une chose, c’est quand il y avait les chasubles, étant daltonien, ils devaient par moment les enlever. Ça fait partie du package de galère.

« Le Hand est ce qui m’a permis de sortir de tout ça, j’en fais une force »

N2 Handball FR : Du coup, est-ce une fierté que de te retrouver à jouer en Nationale 2 ?

Evan Garrigues : Si c’est une fierté ? Bien évidemment. Depuis tout petit, quand j’allais faire des examens, pour un dyspraxique, faire du sport était compliqué mais cette phrase est toujours dans ma tête. J’ai pu prouver par A+B, que rien n’est impossible. Être handicapé, je voulais le dire, c’est plus une force qu’un défaut en fait. Chaque fois que je joue en N2, des fois je me dis « regarde où t’es ». Certains joueurs n’ont rien et restent à des limites en excellence, départemental. C’est avant tout une victoire d’y jouer. Pour beaucoup, c’est naturel, c’est un don mais moi c’est à chaque fois une victoire parce qu’on m’avait dit que c’était impossible.

Crédit Photos : Brigitte B. Photographie

N2 Handball FR : Tu aurais un mot à faire passer pour les jeunes qui sont dans ton cas ne devant pas faire de sport et n’osant pas le faire tout de même ?

Evan Garrigues : Si j’avais un conseil à donner aux gens qui ont un handicap ou quelque chose de plus compliqué, n’écoutez que vous mêmes parce que les gens vont vouloir vous protéger en pensant bien faire. Ils vont nous dire que c’est pas possible, que ça va être compliqué mais si au fond de nous on a envie de le faire, il faut le faire. Si vous ne le faites pas, vous aurez des regrets. Les regrets, ce sont la pire des choses, vous allez vous poser plein de questions. Vous allez être la personne qui va regarder les gens faire les choses que vous aimeriez faire. Peu importe l’échec, il faut essayer et ce sera une victoire de n’avoir écouté que soi-même.

N2 Handball FR : Si tu avais des personnes à remercier ?

Evan Garrigues : Ceux que je voulais remercier, ce sont mes parents. J’ai eu le droit à des parents qui avaient espoir, qui m’ont accompagné dans tout ce que j’ai fait. Sans eux, je n’aurais pas cette mentalité, cette force de faire même si on me dit que c’est impossible. C’est avant tout grâce à eux que j’ai pu répondre à tes questions.

N2 Handball FR : Merci Evan et bonne chance pour la suite, on se fera un plaisir de suivre tes performances. Et bien sûr, bon anniversaire 😉

L’avis de son coach Thomas Merlin

C’est un bon gardien qui a manqué de réussite cette saison. Il est en lice pour une sélection Ile Maurice de Handball. C’est un bon gamin qui jouera en National dans les prochaines années.

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