Poule 2

Comment gérer cette saison ? Réponse avec le staff du HLHB

Crédit Photos : Clément Le Calvé

Deux saisons tronquées, il y a encore un an, cela ne nous aurait pas traversé l’esprit une seconde et pourtant, c’est dans cette situation que nous nous trouvons en cette fin d’année 2020. Pour nos clubs de Nationale 2, comment gérer cette crise ? Ces calendriers hachées, ces confinements, cette incertitude permanente ? Cette Covid aura fait développer l’inventivité chez les staffs techniques.

Chez HennebontLochrist, on a mis les bouchées doubles pour gérer cela en s’appuyant sur l’aspect mental et nutritif des joueurs sans oublier bien entendu la condition physique indispensable des joueurs. Premier club à devoir annuler un match la saison dernière suite à la situation dans le Morbihan, le club breton a malgré tout était plus ou moins épargné cette saison avec seulement un match reporté faisant de lui par la même occasion, le dauphin de Rueil, solide leader.

Nous sommes allés à la rencontre du staff breton pour discuter du fonctionnement en interne et comprendre comment cette situation des plus particulières est gérée chez eux et en approfondissant également l’approche mental HLHB.

N2 Handball FR : Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter ?

Pierre Prioux, 49 ans, Entraîneur principal au HLHB. Je suis salarié à temps plein à la Ligue de Bretagne de Handball en temps que Responsable du service Développement.

Tanguy Groussin, 32 ans, Kiné du sport/Coach sportif en Libéral. J’interviens au HLHB depuis 4 saisons en tant que kiné et préparateur physique de la N2M.

Emmanuel Charmetant, 40 ans, Psychopraticien et préparateur mental / Prof d’EPS. J’interviens depuis cette année au club avec les seniors N2M.

N2 Handball FR : Avant d’évoquer la situation actuelle, comment s’est passée cette collaboration, comment fonctionnez vous ? Quels changements ont eu lieu avec l’arrivée d’Emmanuel (Charmetant) ?

Tanguy Groussin : Pour ma part, j’ai commencé au club en tant que Kiné, seulement, pour la première saison, puis j’ai suivi une formation en Prépa Physique pour laquelle j’ai réalisé mon travail écrit au sein de la N2 en collaboration avec Amélie Sigwart, coach de l’époque. Elle m’a laissé ensuite m’occuper de la Prépa la saison suivante.
J’interviens donc en début de saison pour la préparation pendant laquelle je suis présent à chaque séance et pendant la saison avec les contraintes pro, je ne peux assister à toutes les séances du mardi, je communique alors la séance à Pierre et aux joueurs. Et sinon, toute la saison, j’interviens le mercredi pour les séances de kiné, pour évaluer et traiter rapidement les blessures, et je réalise également la réathletisation des joueurs blessés pour assurer leur réintégration dans le groupe à l’entraînement.

Emmanuel Charmetant : Le but, cette année, pour moi est de trouver ma place avec Tanguy et Pierre. J’essaie de me glisser dans leur fonctionnement, d’être auprès de la performance. Ils sont beaucoup plus souvent à l’entraînement avec les joueurs et j’essaie donc de leur apporter un regard extérieur. Si je trouve des choses à retravailler, je leur évoque.

Pierre Prioux : Pour compléter, comme Tanguy le disait, on est dans une continuité au sein du staff.
Concernant l’arrivée de Manu, j’ai fait une formation et je suis sensible à cette ressource-là. Pour la performance chez tous les sportifs de haut niveau, la différence se fait sur l’aspect mental. Il était important que les joueurs soient suivis cette année, qui plus est, avec la crise qu’on connait parce que l’aspect motivationnel peut être altéré.
Il fallait qu’on ait quelqu’un pour travailler sur la qualité du bien être et la concentration et au delà de cela, les joueurs se confient et font émerger des ateliers de besoin et c’est ce qui est appréciable. Les joueurs se confient facilement. Il y a un secret qui se fait entre eux et je n’ai pas forcément de retour sauf s’il y a urgence ou un cas important. Ça peut aller sur un mal être de blessure ou psychologique tout en gardant un secret médical si je puis dire.

Tanguy Groussin : L’arrivée d’Emmanuel dans le staff a permis d’apporter l’aspect mental de la performance, indispensable à ce niveau, à mon avis. Le retour des joueurs est très positif. Comme a dit Pierre, les joueurs se confient facilement lors que je les soigne, mais je n’ai pas les connaissances et compétences nécessaires pour bien les guider dans cette démarche. Et c’est la que l’arrivée de Manu prend tous son sens. D’ailleurs, les premiers échanges avec Manu sont très intéressants car cela permet de compléter la prise en charge du joueur. Et la communication entre nous 3 est essentiel, c’est un travail d’équipe.

Crédit Photos : Clément Le Calvé

N2 Handball FR : Emmanuel, c’était la première fois que tu pratiquais avec un groupe sportif ? Quelles sont les différences dans ton fonctionnement habituel que tu as avec tes patients ?

Emmanuel Charmetant : Alors oui, sur une groupe complet, c’est la 1ere fois. Ça change dans le sens où je peux m’appuyer aussi sur les dynamiques collectives et les relations avec les autres pour travailler différemment les objectifs, ça aide à la motivation de certains. Ça facilite la mise en place de dispositif technique par ex où on peut travailler collectivement, ça donne des idées aux autres, ça permet de travailler la collaboration, d’affiner des outils plus vite aussi car les entretiens s’enchaînent, etc.
Cela fonctionne bien car l’esprit d’équipe, du staff et du club est très sein et constructif. Dans un autre collectif avec des individualités fortes ou des rivalités de groupes, l’efficacité serait différente…

« Pas d’anxiété mais de l’amertume et de la frustration »

N2 Handball FR : Toujours en rapport avec le fonctionnement de votre trio, le côté nutritionnel est il pris en compte dans la préparation ? Les diététiciens sont de plus en plus nombreux en amateur, est ce le cas au HLHB ?

Tanguy Groussin : Alors justement, j’ai aussi cette casquette là dans ma formation en prépa physique avec un cursus en nutrition. Depuis que j’interviens au HLHB, ils ont régulièrement des messages concernant la nutrition adaptée aux sportifs lorsqu’ils sont blessés et d’un point de vue santé et bien être. Sur cette période Novembre/Décembre, ils ont un plan de nutrition adapté à leur poids sur ces semaines-là pour continuer à véhiculer le message d’une nutrition équilibrée. Il faut donc continuer à véhiculer ce message pour éviter une prise de poids qui pourrait être préjudiciable à la reprise.

Pierre Prioux : Pour compléter Tanguy sur l’aspect nutritionnel même si je n’ai pas de connaissance dessus. Je pourrais parler de l’après match où j’ai plus de compétences dessus (rires). Le club a aussi une démarche de donner des boissons énergisantes adaptées à l’effort pour les garçons. C’est une façon pour le club de participer à cet état d’esprit diététique et hygiène de vie.

N2 Handball FR : Alors pour ce qui est de ce début de saison d’un point de vue physique et mental, comment avez vous réussi à tenir en forme et prêts les joueurs avec cette incertitude de jouer même si vous avez été plutôt épargnés au niveau match reporté ?
Avez-vous eu des joueurs très anxieux vis à vis de la Covid et de cette incertitude ?

Tanguy Groussin : Je n’ai pas ressenti de joueurs anxieux mais frustrés de ne pas pouvoir jouer, et surtout qu’il n’y a pas de perspective réelle de reprise donc difficile de se projeter et de se motiver.
Pour garder la motivation et la condition physique, ils ont un programme de préparation individuelle pour le mois de Novembre et Décembre, avec les contraintes que la situation sanitaire exige (Restriction sur les kms, pas de matériel forcément à disposition), le programme comprend donc des séances de musculation au poids du corps, des séances de course à pied, une séance d’étirements et des exercices pour la prévention des blessures (épaule, cheville et gainage). Il y a un double enjeu dans cette periode, s’assurer du maintien de la condition physique qu’ils avaient acquis depuis le mois d’Août et la prévention des blessures afin de les préparer à une éventuelle reprise des entraînements en Janvier en toute sécurité

Emmanuel Charmetant : En effet, il n’y a pas spécialement d’anxiété chez les joueurs par rapport au Covid, plutôt de l’amertume, du fait qu’il faut patienter. Ils aimeraient jouer, donc il y a l’envie qui est là et qu’il faut transformer différemment pour les tenir prêts mentalement. J’essaie de les maintenir dans ce qu’ils ont à faire, dans leur progression individuelle, dans leur dynamique handball avec un travail de concentration en faisant de l’analogie de leur quotidien.
Le relationnel qu’ils peuvent avoir dans leur quotidien pro/privée peut avoir un impact et c’est pareil en match. Je leur fais comprendre que ce qu’ils font au quotidien peut avoir un impact au niveau sportif. Ils sont plus friands sur les problématiques privées et d’avoir des éclairages pour leur bien être au quotidien pour être dans les meilleures dispositions.

Mentalement, pour les tenir prêts dans des dispositions optimales, il y en a qui veulent des exercices de concentration, d’autres de dynamisation de leurs pensées, de leurs émotions et ont donc des exercices quotidiens. Il y en a à qui j’ai fait des exercices sur la visualisons de matchs, voir ce que certains joueurs pros font à leur poste, de se visualiser dedans et de voir les choix qu’ils font d’habitude et de ressentir dans leur corps ces actions comme si on faisait un début de préparation de construction de programme moteur mais en se transposant sur des matchs avec donc des situations dynamisantes. On a vu comment se maintenir dans un état d’esprit sportif et dynamique. Voilà quelques exemples de ce qui est fait.

Pierre Prioux : Je confirme ce qu’on dit mes collègues. Il n’y a pas d’anxiété mais de la frustration. Le groupe est composé de deux profils de joueurs voire trois. Des anciens qui souhaitaient faire une dernière saison et donc frustrés mais aussi des jeunes et confirmés qui étaient sur une bonne dynamique et veulent jouer même si pour des joueurs amateurs, il est difficile de se mettre en danger sanitaire et du coup en danger professionnellement en multipliant les arrêts de travail. C’est plus là où les joueurs peuvent être anxieux d’où l’importance du travail de Manu et Tanguy. Il faudra être prêt très tôt et très vite.

« Pour l’équité, on est dans une situation particulière cette saison, il faut l’accepter. »

N2 Handball FR : Alors justement, vous parlez de ce maintien en condition ! Comment avez vous réussi déjà à garder vos gars concernés et impliqués ? Les joueurs devaient ils faire un retour sur le travail physique effectué ?

Tanguy Groussin : En discutant avec Pierre et Manu, on a convenu rapidement qu’il fallait faire un programme complet pour Novembre et Décembre. Cela leur permet d’avoir un repère. Le programme est donné via une application de Coaching, ils peuvent y avoir accès toute la journée sur leur compte, et j’ai un retour si les joueurs ont fait leur séance. Un retour via Whatsapp a été fait à la fin du premier cycle (fin de semaine dernière) afin d’enchaîner sur le deuxième cycle. Pour celui ci, ils auront un test la première séance et auront comme objectif individuel d’améliorer leur performance à la fin du cycle.

Emmanuel Charmetant : Quand j’ai les joueurs au téléphone et en visio, je reviens sur leurs objectifs en fonction des conditions matériels chez eux et les affiner. S’ils n’y sont pas trop, trouver des solutions alternatives. Par exemple, j’avais un joueur au téléphone qui n’avait pas mis en place les tests physiques pour progresser donc on a travaillé dessus. Ils ont la base de travail avec Pierre et Tanguy et je suis là pour remettre une couche et retravailler sur ça et leur montrer l’intérêt et ce que ça leur apporte.

Crédit Photos : Kumys Photos

N2 Handball FR : Mais alors quand la Fédé parle d’une reprise des entraînements le 20 Janvier et des matchs début Février, qu’en pensez vous alors que l’été, nous devons nous préparer plus de 4 à 6 semaines selon les clubs ?

Tanguy Goussin : C’est malheureusement la problématique de la situation. Trouver le bon timing entre reprendre la saison pour pouvoir la finir et reprendre les entraînements avec un intervalle de temps qui permet d’assurer l’intégrité physique des joueurs. D’autant que je crois que certaines équipes, comme en région parisienne, ne se sont pas entraînées depuis le mois d’octobre (Pierre confirmera), ce qui pourra créer des inégalités dans la préparation. Trois semaines de préparation c’est bien trop court, l’idéal serait de faire comme en début de saison, 6 semaines. Je parle du point de vue physique mais je pense aussi que Pierre a besoin d’autant de temps pour travailler la cohésion d’équipe, la tactique, les combinaison etc

Pierre Prioux : La préparation va être complexe car très courte comme évoqué. Autant sur la réathlétisation, les deux semaines et demi rejoignent à peu près les thématiques estivales. La partie handball et la prévention de l’épaule, deux semaines, ce sera léger sachant qu’il faudra mettre des matchs amicaux. Après deux trois jours, il faudra faire des matchs donc on va faire avec la contrainte et essayer d’être créatif. On verra par rapport au niveau d’opposition à la reprise pour voir comment on va adapter.

N2 Handball FR : En effet, Tanguy parlait des équipes parisiennes qui ne s’entraînent pas mais il y a un type d’équipe qui fait grincer les dents en Nationale 2, ce sont les centres de formations qui pour plusieurs joueurs ont pu continuer à s’entraîner, n’est ce pas aussi une inégalité importante ?

Pierre Prioux : Effectivement, ça peut paraitre injuste parce que certains joueurs de réserve s’entrainent. Pour l’équité, on est dans une situation particulière cette saison, il faut l’accepter. Nous, ça nous dérange pas trop parce qu’an a pas d’objectif absolu de montée cette année. Si ce n’était pas le cas, ce serait contraignant. On accepte cette saison de transition mais ça nous empêchera pas de saisir toute opportunité si elle se présente. On accepte cette non-équité si on peut dire ça.

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